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jeudi 30 août 2007

L’élection de M. Gül : une nouvelle page dans l’histoire de la laïcité turque ou la dé-kemalisation de l’Etat turc ?

Comme prévu, le 11ème Président de la République Kémaliste est désormais M. Adullah Gül, issu du parti AKP (tendance islamique modérée).

Il s’agit d’un événement sans précédent dans l’histoire de la laïcité turque. Pour la première fois, un islamiste occupe une fonction étatique symboliquement très importante. Bien évidemment, cela a donné lieu à une crise politique qui a, elle-même, débouché sur des élections législatives anticipées. Finalement, le parti AKP a, de nouveau, obtenu la majorité des sièges au Parlement, ce qui prouve que ce parti répond relativement bien aux aspirations de la population. En tout cas, c’est un parti qui tente de séduire son électorat et de l’élargir en mettant l’accent sur la religion, un facteur primordial qui ne prend pas en compte les différences ethniques, sociales, économiques, culturelles, etc. Les Kurdes ont massivement voté pour le parti AKP, ce qui met parfaitement en évidence ce constat.

Certains partis politiques laïcs, notamment le parti républicain (CHP), et les militaires étaient très hostiles à l’élection de M. Gül. Le risque de voir un coup d’Etat militaire n’était pas totalement écarté en cas de victoire définitive de ce candidat islamiste modéré. Finalement, la Turquie a élu son 11ème président dans une atmosphère assez sereine.

Que signifie concrètement l’élection de M. Gül comme Président d’une République laïque ?
Peut-on dire que la laïcité, le fondement même de l’Etat kémaliste, est dorénavant remise en cause ? Va-t-on vers la dé-kemalisation de la Turquie ? Serait-il possible de voir autres portraits que celui d’Atatürk ? Serait-il la fin du calvaire ou plutôt de l’humiliation pour les enfants kurdes qui doivent se dire Turcs tous les matins avant d’aller en cours ?

Il existe tellement de questions à se poser, enfin de tabous à briser dans un pays comme la Turquie où le kémalisme est devenu une obsession, un mode vie, une philosophie, etc. Ne pas être Kémaliste est considéré comme un acte de trahison envers la nation turque.

Les militaires et une franche de la population, généralement l’élite, ont essayé d’ancrer à tout prix le kémalisme dans la tête des gens mais cela n’a fait qu’accroître la haine de ces gens contre Mustafa Kemal. A titre d’exemple, citons une expression utilisée assez souvent au Nord du Kurdistan : Au lieu de dire « je vais dire aux toilettes », les gens disent « je vais chez Atatürk ». C’est vraiment dommage de voir un homme d’une intelligence exceptionnelle qu’il fasse l’objet d’expressions désagréables.

Il faut absolument arrêter d’instrumentaliser le kémalisme pour exploiter une nation. Cette dernière ne pourrait plus continuer à exister en étant basée sur l’idéologie kémaliste. Seule la volonté de vouloir vivre ensemble peut renforcer l’intégrité de la nation multiethnique de Turquie.

L’élection de M. Gül prouve que les gens veulent désormais vivre comme ils le souhaitent et non en étant obligé de se conformer à une idéologie « obsolète ». Cependant, cette nouvelle donne ne doit pas non plus être le début d’un autoritarisme intégriste comme c’est le cas en Iran. Tous les tabous doivent être brisés et l’attachement à la démocratie, à la paix, aux droits de l’homme…, doit demeurer une priorité pour les partis politiques en Turquie.

Feqîyê Teyran

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