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jeudi 6 septembre 2007

Le Kurdistan légal versus le Kurdistan illégal

Pendant des décennies, les quatre Etats (Turquie, Irak, Iran, Syrie) nous ont, de par leurs politiques d’assimilation, mis dans la tête que le territoire kurde n’est pas un territoire culturellement et linguistiquement homogène et qu’il est très bien défini par des frontières physiques.

Force est de constater que les kurdes ont tellement bien assimilé l’existence de ces frontières que la question kurde est abordée en fonction de ces barrières géographiques. Il est difficile, pour eux, de voir le problème kurde de manière globale. Il suffit de regarder les événements organisés en France ou en Europe, il est rare de voir ensemble les Kurdes originaires des quatre parties du Kurdistan. Cette séparation, initialement théorique, devient progressivement une triste et inquiétante réalité.

Une des conséquences des politiques appliquées par ces quatre Etats oppresseurs (aujourd’hui 3 du fait de la chute de Saddam Hussein) est l’apparition de deux approches concernant la question kurde.

La première approche dite « réaliste » ou « facile » consiste à se concentrer sur le Kurdistan du Sud, le Kurdistan légal (Nord de l’Irak), pour essayer de résoudre le problème kurde. Cette approche serait considérée comme « réaliste » du fait que cette région kurde est devenue de facto autonome à partir de 1991 et, aujourd’hui, reconnu constitutionnellement comme un Etat fédéré, ce qui lui donne un cadre parfaitement légal. Certains fervents défenseurs de la cause kurde peuvent désormais aborder la question kurde de manière légale et surtout « réaliste » en faisant référence uniquement au Kurdistan du Sud, la région reconnue officiellement comme étant kurde. Par conséquent, il serait tout à fait rationnel et réaliste de revendiquer les droits du peuple kurde en se basant uniquement sur les supports de cet Etat fédéré, qui constitue un cadre légal pour les défenseurs de la voie pacifique. Cependant, comment utiliser les moyens pacifiques contre des Etats oppresseurs qui voient comme solution à la question kurde soit l’assimilation (solution soft), soit l’anéantissement (solution hard) ? Allons, les « réalistes », soyons vraiment réalistes

La seconde approche dite « utopique » ou « irrationnelle » consiste à aborder la question kurde dans sa globalité, c’est-à-dire le Kurdistan illégal d’un point de vue international. C’est justement cet aspect global du problème qui poserait problème. Pour les « réalistes », parler du grand Kurdistan montrerait l’ignorance de ceux qui défendent un tel projet. Selon les « facilistes », les « idéalistes » ne seraient pas, semble-t-il, capables de prendre en compte la réalité des relations internationales qui n’est pas favorable, à l’heure actuelle, à une nouvelle phase de balkanisation.

En réalité, il n’y a pas une approche qui serait meilleure que l’autre. La question fondamentale qu’il faut se poser est de savoir ce que les Kurdes souhaitent véritablement. Veulent-ils absolument un grand Etat kurde regroupant tout le territoire kurde ? Si oui, que faire si cet Etat kurde devient par la suite un Etat autoritaire se révélant lui-même plus cruel envers ses propres citoyens (kurdes) ? Bien sûr, l’idéal serait que les Kurdes aient leur propre Etat, néanmoins la priorité est que tous les Kurdes puissent jouir sans distinction de tous leurs droits en tant qu’êtres humains.

Autre point important à souligner est la confusion souvent faite par certains lorsque l’on tente de traiter la question kurde de manière globale. Il faut bien comprendre que parler de la situation des Kurdes en Turquie, en Iran ou en Syrie ne signifie pas nécessairement soutenir de manière partisane les forces politiques kurdes dans ces pays ou revendiquer le morcellement de leur territoire.

Feqîyê Teyran

2 commentaires:

cafekurde a dit…

En prenant un peu de recul sur ton article, je me rend compte que je ne suis finalement pas d'accord avec toi .

Tu reproches aux Kurdes de ne pas voir la question Kurde dans sa globalité.

Tu prends même le soin de nous séparer en 2 catégories;
Ceux qui par "facilité" se rallient derrière le Kurdistan irakien, et puis les autres.

Nous sommes déja catégorisés par la scène internationale, les médias, nos ennemies, nos detracteurs, et je trouve que pour le coup nous diviser dans notre propre camps,c'est pas super...

Finalement, je ne vois pas en quoi se battre au coté du Kurdistan Irakien nous empêches de voir le problème dans la globalité.

En effet en nous y interessant, cela a des conséquences sur le reste du Kurdistan, puisque tout s'imbrique.

C'est simplement une stratégie possible qui vise l'ouverture sur les autres parties du Kurdistan.

Les Kurdes irakiens pourraient reprocher ce que toi même tu dénonces.C'est à dire que les Kurdes de Turquie ne s'arrètent qu'à leur portion de territoire.

Je trouve ton article trop utopique, car au delà des remarques que tu fais (qui sont justes) , tu ne prends pas position.
Or le plus difficile c'est justement se positionner?
Que proposes tu?
Que chacun des Kurdes disent; oui nous voulons la paix, nous voulons jouir de nos droits, et que nous restions là, sans rien faire.
Se positionner c'est avancer, se positionner, c'est prendre le risque.

Ton article me fait penser aux politiciens à qui on commande des rapports sur des problématiques.
Ils relèvent les soucis sans jamais rien proposer....

Dans ton article, tout est bien
lisse, rien ne depasse.

Je trouve çà un peu décevant

analysekurde a dit…

Cher(e) cafekurde,

Je suis désolé de t’avoir déçue mais c’est en faisant face à la déception qu’on avance dans la vie.

Il y a plusieurs points que il faut revoir afin de mieux les expliquer.

1) Oui, je reproche à certains kurdes et certains amis des Kurdes de ne pas traiter la question kurde dans sa globalité. Ceci est vraiment dommage car il existe un risque de séparation entre les kurdes, une séparation déjà latente. Certes, certains hommes politiques kurdes tentent de s’intéresser au problème kurde en prenant en considération les Kurdes des quatre parties du Kurdistan. Néanmoins ces efforts ne sont pas suffisants, les forces politiques kurdes ne doivent pas monopoliser la cause kurde en essayant de la territorialiser ou en refusant l’apport des autres acteurs politiques. Il est temps de renforcer l’unité des kurdes. Ainsi, la question peut être mieux abordée dans sa globalité.

2) Cette division en terme d’approche méthodologique ne vient pas de moi, c’est un simple constat. Il faut, certes, défendre à tout prix le Kurdistan du Sud qui demeure un acquis fondamental dans la lutte des Kurdes pour l’indépendance du Kurdistan. Cependant, il ne faut pas non plus se contenter de l’autonomie d’un tiers du territoire kurde pour dire que la question kurde est résolue. Il reste encore beaucoup de choses à faire. Soyons réalistes et en même temps pragmatiques. Les Kurdes de Syrie sont certainement ceux qui sont les plus défavorisés et les plus opprimés par le régime en place. Comment oublier ces Kurdes sous prétexte qu’il existe désormais un petit Etat fédéré au Sud du Kurdistan ?

3) Quant à la stratégie de se servir du Kurdistan du Sud comme base d’ouverture, je suis tout à fait d’accord avec toi. D’ailleurs, pendant des années, les Kurdes du Sud (Irak) ne pouvaient pas concevoir l’indépendance du Kurdistan sans l’aide des Kurdes du Nord (Turquie). Aujourd’hui, l’équilibre régional a changé de par l’intervention américaine. Par conséquent, l’appui le plus important dans la lutte pour l’indépendance est aujourd’hui le Kurdistan du Sud et non plus le Kurdistan du Nord. Par ailleurs, le Kurdistan de l’Est (Iran) pourra certainement bientôt jouer un rôle important dans l’évolution de la question kurde.

4) Ma seule proposition ici a trait à l’union nationale. Il faut que nous soyons capables de nous réunir tous et discuter de la question kurde en dépassant les clivages politiques, c’est-à-dire sortir d’un raisonnement partisan.


Feqîyê Teyran