Traduction

jeudi 28 juin 2007

La question kurde et le droit international.

A l’heure actuelle où les normes internationales prennent une ampleur considérable avec le phénomène de la mondialisation, certaines questions relevant du droit international sont toujours occultées.
La question kurde fait partie notamment de ces questions qui ne peuvent plus demeurer sans solution juste et pacifique. Il est urgent de se pencher sur le sort des Kurdes à qui l’Histoire a fait beaucoup de torts et le Traité de Lausanne en constitue un exemple par excellence.
Ce Traité, du nom d’une ville helvétique, s’est substitué au Traité de Sèvres qui prévoyait à terme la création d’un Etat Kurde. La Section III, articles 62, 63 et 64 du Traité de Sèvres (cf. exrait ci dessous) expriment clairement l’idée d’une indépendance, ce qui signifie que le droit, pour les Kurdes, à un Etat indépendant est garanti juridiquement au niveau international.
Le Traité de Sèvres vient mettre fin à cette courte euphorie et laissant ainsi les Kurdes à la merci de quatre Etats qui n’hésiteront pas à mener divers politiques dont le but a été et est encore d’ignorer l’existence du peuple kurde qui constitue la Nation la plus importante sans Etat. Un Traité de telle nature n’aurait pas dû exister, cela est d’autant plus vrai lorsqu’on constate la souffrance infligée aux Kurdes depuis la Première Guerre mondiale.
Aujourd’hui, justice doit être rendue aux Kurdes au niveau international. Il ne s’agit pas nécessairement de permettre la création d’un grand Kurdistan, néanmoins il est du devoir de la communauté internationale d’obliger les Etats, dans lesquels vivent les Kurdes, de garantir leurs droits naturels et de permettre, du moins, une autogestion à terme.
A l’aube du 21ème siècle, l’Etat-nation semble ne plus être pertinent du fait de plusieurs raisons, et notamment de l’hétérogénéité des populations qui forment ces Etats-nation. La décentralisation très poussée ou encore le modèle fédéral constituent des formes d’organisation de l’Etat qui s’adoptent plus facilement à la réalité actuelle en garantissant de la meilleure manière la cohabitation harmonieuse de la diversité (ethnique, religieuse, culturelle…) et ses droits.
La pleine application du droit international public est difficile car il n’y a pas vraiment de « gendarme international » et les cours de justice internationales, en particulier la Cour de Justice Internationale, ne peuvent exercer leur juridiction à condition que les Etats acceptent expressément l’autorité de la cour en question. Ces limites du droit international peuvent disparaître si la communauté internationale s’engage courageusement à mettre en place les moyens nécessaires afin de promouvoir la Justice internationale. La résolution de la question kurde ne ferait que contribuer à un tel projet.
Il est grand temps de réparer les préjudices causés par le Traité de Lausanne, il faut désormais cesser d’ignorer l’existence du peuple kurde et lui rendre ses droits. La Justice internationale ne sera jamais une justice exemplaire tant que la question kurde ne sera pas résolue.

Feqîyê Teyran

SECTION III.
KURDISTAN.
ARTICLE 62.
A Commission sitting at Constantinople and composed of three members appointed by the British, French and Italian Governments respectively shall draft within six months from the coming into force of the present Treaty a scheme of local autonomy for the predominantly Kurdish areas lying east of the Euphrates, south of the southern boundary of Armenia as it may be hereafter determined, and north of the frontier of Turkey with Syria and Mesopotamia, as defined in Article 27, II (2) and (3). If unanimity cannot be secured on any question, it will be referred by the members of the Commission to their respective Governments. The scheme shall contain full safeguards for the protection of the Assyro-Chaldeans and other racial or religious minorities within these areas, and with this object a Commission composed of British, French, Italian, Persian and Kurdish representatives shall visit the spot to examine and decide what rectifications, if any, should be made in the Turkish frontier where, under the provisions of the present Treaty, that frontier coincides with that of Persia.

ARTICLE 63.
The Turkish Government hereby agrees to accept and execute the decisions of both the Commissions mentioned in Article 62 within three months from their communication to the said Government.

ARTICLE 64.
If within one year from the coming into force of the present Treaty the Kurdish peoples within the areas defined in Article 62 shall address themselves to the Council of the League of Nations in such a manner as to show that a majority of the population of these areas desires independence from Turkey, and if the Council then considers that these peoples are capable of such independence and recommends that it should be granted to them, Turkey hereby agrees to execute such a recommendation, and to renounce all rights and title over these areas.
The detailed provisions for such renunciation will form the subject of a separate agreement between the Principal Allied Powers and Turkey.
If and when such renunciation takes place, no objection will be raised by the Principal Allied Powers to the voluntary adhesion to such an independent Kurdish State of the Kurds inhabiting that part of Kurdistan which has hitherto been included in the Mosul vilayet.
Extrait du Traité de Sèvres, 10 août 1920

Rendons hommage à un homme politique kurde, reconnu pour son courage exceptionnel.

Orhan Dogan, né le 25 juillet 1955 à Mardin, nous a quitté ce matin à l’hôpital de Van (Nord du Kurdistan) suite à une crise cardiaque lors d’un discours dans le cadre du festival culturel Ahmedê Xanê.
C’était un homme qui s’est sans cesse battu pour la cause kurde en participant activement aux activités politiques dans des conditions extrêmement dangereuses. Il a même été condamné à 15 ans de prison (peine réduite à 10 ans) « pour avoir participé à des activités de séparatisme visant à diviser la Turquie », des accusations qui n’avaient pas de fondement, et dont le seul but était d’interdire le parti pro-kurde HEP, créé dans les années 90. D’ailleurs, Orhan Dogan était l’un des fondateurs de ce parti.
Aujourd’hui, cet homme d’un courage admirable, qui s’est battu jusqu’à son dernier souffle pour permettre aux Kurdes d’obtenir leurs droits naturels, n’est plus parmi nous. Une fois de plus, le peuple kurde fait le deuil dans une tristesse éternelle. Pourquoi un tel destin ? Les Kurdes sont-ils condamnés à vivre dans la souffrance et le désespoir ?
N’est-il pas honteux pour l’Humanité de voir un homme comme Orhan Dogan qui s’excuse, lors des dernières secondes de sa vie, de ne pas avoir pu apporter la paix en Turquie ? Comment en vouloir à Orhan Dogan alors qu’il a sacrifié sa vie afin de contribuer à l’instauration de la démocratie et de la paix dans un pays où certains nationalistes s’accordent encore le droit inhumain de le critiquer même après son décès ?
Il est grand temps d’apprendre à respecter les êtres humains et œuvrer pour la paix dans le monde. La paix n’a pas de nationalité, elle est universelle.
Orhan Dogan nous a, certes, quitté physiquement mais il restera pour toujours dans le cœur de tous les Kurdes. Je présente au nom de tout le peuple kurde toutes mes condoléances à sa famille.

Feqîyê Teyran

Va-t-on vers la fin de la Révolution Islamique en Iran? Si oui, quel serait le rôle des Kurdes?

La situation actuelle en Iran semble confirmer la thèse de Farhad Khosrokhavar (Iran : comment sortir d’une révolution religieuse ? ) qui montre que le régime chiite iranien est à bout de souffle.
La mesure de rationnement de l’essence a débouché sur des manifestations relativement violentes. Cette réaction immédiate des Iraniens est en réalité étroitement liée au malaise régnant au sein de la population.
Désormais, très peu de personnes se reconnaissent dans le régime actuel et la majorité des iraniens aspirent à plus de libertés et de droits individuels. Il existe donc une véritable frustration chez les jeunes et les femmes qui sont les premiers à souffrir des contraintes qui leur sont imposées. Cette situation de désenchantement oblige le régime à avancer vers le post-islamisme, c’est-à-dire une forme de sécularisme.
Les intellectuels post-islamistes (Kadivar et Modjthaled-Shabestari, des clercs ; Abdolkarim Soroush, un non clerc) contestent avant tout la confusion entre le politique et le sacré instauré par l’islamisme qui cherche à légitimer la direction politique de la société par des clercs au nom de leur compétence religieuse, de leur vertu et de leur pureté. Ils souhaitent réhabiliter le politique en tant que tel, et définit un espace politique autonome régi par le débat et le vote.
Il semble que l’Iran risque de connaître de nouvelles vagues de contestation qui pourraient éventuellement faire tomber le pouvoir en place. Bien entendu, les Etats-Unis ne manqueront pas de soutenir les forces déstabilisatrices internes. Parmi ces forces, on trouve les Kurdes qui constituent une partie importante de la population en Iran.
En cas de changement de régime, les Kurdes devront savoir revendiquer leurs droits et participer activement à la mise en place d’un nouveau régime démocratique et fédéral. De par son importance numérique, le peuple kurde en Iran devra à tout prix s’imposer comme une force politique incontournable et profiter de cette éventuelle occasion pour déclarer officiellement son existence et être reconnue par la communauté internationale comme un peuple à part entière.
Feqîyê Teyran

mercredi 27 juin 2007

Pourquoi l'armée turque est-elle obsédée par l'existence du Kurdistan irakien?

Aujourd'hui encore, l'invasion du Kurdistan occupe la Une des quotidiens turcs. Les arguments avancés pour faire une telle incursion ne sont pas du tout pertinents.
Le Général Büyükanit évoque même des objectifs politiques pour occuper le Kurdistan irakien. Pourquoi une telle obsession ? Pourquoi l'existence des Kurdes dérange-t-elle les militaires et le gouvernement turc? Y a-t-il une explication à tout cela?
Il est important de souligner deux points fondamentaux pour comprendre la situation et le pouvoir des Kurdes:
- Le monde a changé et les Kurdes ont su s'adapter aux évolutions survenues. Ils sont de plus en plus conscinents de leur identité nationale et sont désormais prêts à la défendre quelles que soient les conséquences.
-Il ne faut pas prendre les Kurdes pour un peuple démuni de tout pouvoir. Le peuple kurde a, depuis toujours, dû faire face à quatre Etats qui se se comportent toujours comme des Etats ennemis et est capable de continuer sa lutte honorable pour obtenir son indépendance.
L'armée turque ne doit pas sous-estimer les forces armées kurdes au Kurdistan irakien, de plus il faut rappeler que le PKK se dit prêt à défendre l'Etat fédéré du Kurdistan. Certes, il sera facile pour les militaires turcs d'entrer dans le territoire kurde mais en sortir comme une armée victoirieuse n'est qu'un rêve comme le montre la situation dans certains pays.
L'institution militaire est effectivement une institution très respectée en Turquie du fait de son rôle de gardien suprême des institutions, elle doit néanmoins prévenir l'opinion publique turque des conséquences considérables que pourrait engendrer une éventuelle intervention. Ce qui est inquiétant est le soutien de la population turque qui encourage l'armée dans une telle aventure mais malheureusement la Turquie n'imagine même pas qu'en se comportant de cette manière, elle risque de finir comme l'Empire ottoman. Essayer de s'imposer sans cesse sans respecter autrui débouche souvent sur l'affaiblissement, voire l'élimination de soi-même.
Le peuple turc doit comprendre que les Kurdes est un peuple comme les autres et a droit à l'autodétermination. C'est ainsi que les deux peuples peuvent vivre en harmonie et égaux.
Aujourd'hui, les Kurdes tentent de faire entendre leurs messsages de paix et démocratie à travers des partis politiques, néanmoins ces voix démocratiques sont toujours étouffées par le pouvoir en place. Il faut arrêter cette politique négationniste envers les Kurdes qui sont à l'heure actuelle les fervents défenseurs d'une Turquie démocratique et forte.

mardi 26 juin 2007

La logique de l’Etat turc : une logique sans cesse nourrie de paradoxes.


La République turque, née sur les cendres de l’Empire ottoman, a parcouru un long chemin de modernisation qui mérite d’être salué. Ce processus pourrait être renforcé par l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, cependant de nombreux pays européens ou du moins, leurs gouvernements s’opposent à son entrée.
Les Turcs ne soutiennent pas tous un tel projet, il existe des raisons idéologiques, religieuses ou encore culturelles. Quant aux Kurdes de Turquie, le soutien est quasiment unanime, ce qui signifie que le peuple kurde considère l’Union européenne comme le seul acteur pouvant donner à la Turquie une nouvelle logique, celle qui serait basée sur le consensus.
Depuis la création de l’Etat turc, les politiques mises en œuvre on été guidées par la peur de l’ennemi de l’intérieur. Cette obsession de configurer ses politiques étatiques en fonction de cet « ennemi invisible » a donné lieu à une logique de contradictions, discréditant souvent sa raison d’être.

Comment expliquer cette logique qui doit disparaître ?

Avant et lors de la création de la République turque, les dirigeants, en particulier Mustafa Kemal, ont préféré concevoir la nation turque en se basant sur une partie de la partie de la population vivant sur le territoire actuel, nommé la Turquie. Il s’agissait de créer une nation « exclusive ».
Force est de constater que la construction de cette nation n’a pas été réalisée sur des bases solides. La situation actuelle met parfaitement en évidence ce constat. Les revendications des minorités en Turquie illustrent les carences de cette construction inachevée.

Refus de prendre en compte l’ensemble de la population pour concevoir la nation

L’idée de base était en réalité de recréer la nation turque comme à l’époque mythique et glorieuse des premiers Turcs. L’analyse de Hamit Bozarslan lors d’un séminaire à Sciences po Paris montre très bien comment la République s’est créée et comment le nationalisme qui existe en Turquie tente de la maintenir. Selon l’auteur, les nationalistes turcs considèrent que la nation turque est atteinte par la corruption (impureté) du fait même de l’existence de l’ennemi ou du traître de l’intérieur. D’ailleurs, les quotidiens turcs tels que Hürriyet ne cessent d’utiliser un champ lexical qui souligne l’existence du traître constituant une véritable menace pour la nation.
Faire partie de la nation turque est considéré comme un privilège, voire l’accès au bonheur comme en témoigne l’expression qui dit « Heureux celui qui se déclare Turc ». Cependant la réalité est toute autre. Sans tomber dans l’exagération, l’Etat turc est loin de promettre le bonheur à ses citoyens comme le montre par exemple le traitement qui leur est réservés dans les ambassades (longue file d’attente, fonctionnaires arrogants…).
La conception kémaliste de la nation « exclusive » est enseignée aux enfants dès l’éducation primaire. Ceux qui ne sont pas nés de sang turc, ils doivent renier aussitôt leur identité d’origine pour avoir le privilège et le droit d’intégrer la nation qui leur promet le bonheur. Bien entendu, cette volonté de faire partie de la nation « exclusive » est accompagnée d’une politique d’assimilation dont l’objectif est permettre aux minorités d’abandonner leurs différences pour finalement obtenir le statut de citoyen de seconde classe.

Une conception de la nation qui n’est plus pertinente
La Turquie ne peut plus raisonner dans un cadre restreint, il est temps d’avoir le courage de mettre en place des réformes dont l’objectif n’est pas de déstabiliser la Turquie ou de la détruire mais tout simplement de la consolider en achevant la construction de la nation en prenant en considération la réalité mondiale.
L’Europe a été à l’origine de la création de l’Etat-nation et elle tente aujourd’hui de trouver de nouvelles solutions susceptibles de résoudre les problèmes liés à l’affaiblissement de l’Etat-nation. Si l’Europe a su avancer et se développer, c’est parce qu’elle n’a jamais eu peur de découvrir l’inconnu. Les Européens ont toujours eu le courage de s’affirmer et de briser les tabous sur les plans politique, économique, religieux… Le progrès a un prix et il ne faut pas hésiter à le payer.
La nation turque connaît ses limites depuis longtemps, néanmoins la lutte armée initiée par le PKK dans les années 80 et l’intensification de la lutte dans les années 90 et enfin les revendications souvent pacifiques des Kurdes à travers des partis ou syndicats pro kurdes soulignent la nécessité urgente d’apporter des réponses concrètes aux attentes de la population qui ne fait pas partie de la nation de Turquie.
Le culte voué au Kémalisme doit être abandonné si la Turquie souhaite surmonter ses difficultés. Autrement, le risque de voir le pays se diviser et de déboucher sur une crise de gestion de plus en plus profonde pourrait certainement voir le jour à l’avenir.
Certes, Mustafa Kemal est le principal fondateur de la Turquie moderne, néanmoins le fait de l’élever comme la figure suprême de la nation ne fait que mettre la Turquie dans une situation de blocage. Atatürk aurait certainement préféré que les Turcs soient capables d’être innovateurs comme il l’a été à son époque.
La Turquie doit à tout prix rénover sa conception de la nation et ce ne serait pas considéré comme une trahison à la pensée kémaliste. Au contraire, ce serait rendre hommage à l’esprit kémaliste de la meilleure manière possible.

Feqîye Teyran

dimanche 24 juin 2007

Message de bienvenue

Un espace pour discuter en toute liberté.

J'ai le plaisir de mettre à votre disposition cet espace d'échange et de discussion virtuel. L'objectif de ce blog est de permettre à tout le monde de s'exprimer sur la question kurde qui a souvent été occultée pour diverses raisons. Vous avez dorénavant l'opportunité de faire part de vos commentaires sur les analyses qui seront publiées régulièrement. J'espère que tout individu désirant participer à cette initiative fera preuve de rigueur intellectuelle en vue de contribuer au développement de cet espace.
Je remercie dès à présent les personnes qui manifestent déjà leur intérêt pour cette nouvelle intiative.